Avec dessins.de l’auteur.
A propos du livre
Article de Jean Dubacq
publié dans la revue Autre sud n° 22 (sept 2003)
Les roses fanent d’un coup sans rien leur dire dans les jardins de Colette Klein, mais les saisons s’y invitent. L’aurore aux pas feutrés submerge les allées d’une abondance de paix. On y découvre même une fée aux yeux de louve, protectrice des liserons, contre le mur aux chimères.
On aborde le jardin sans en connaître le prix, comme on aborde un rêve de l’Intérieur et les cils collés au miroitement. Constat d’une assurance à décourager la critique si Colette Klein ne définissait son propos en le développant au meilleur niveau de l’écriture poétique. Mais jardin suppose fécondité, donc renouveau, même si des pendus se balancent entre les branches du vent. Cette mort n’apparaît plus sous ses anciens aspects quelque peu diffamatoires, squelettes ou fumées, contresens désespéré de l’espoir auquel nous avait souvent convertis l’auteur de La neige sur la mer ne dure pas plus que la mort (La Bartavelle, 1997). Le tragique n’est plus sans consolation. Les morts gardent en mémoire l’arbre qu’ils ont tenu au secret dans leurs veines, succès posthume de ces mêmes arbres qui, sous la parole du vent, se transmettent le secret de la semence éternelle. La mort aurait-elle trouvé de meilleurs acteurs pour jouer son rôle ? Au cœur de cette négociation ambiguë avec le pathétique, les morts, les acteurs méritent, miracle des feuillages devant le ciel, d’être d’anciens vivants. Ils ne sont plus les erreurs prématurées de ce qui n’aurait pas dû vivre, neige sur la mer ignorant la mer. Au prix d’un jardin devenu réel puisque les poèmes nous permettent de s’y tenir debout, on peut pressentir l’approche d’un invisible nombreux, « vu » voire imposé par le cheminement de la lumière dans les corps assoiffés.
Article d’André Lagrange
Le recueil (intimiste, provenant d’une collection érigée par l’éditeur) se découvre à travers des murs qui se souviennent longtemps de la caresse du lierre… et se referme, signe après signe, conduisant à l’origine du monde.
il s’agit d’une suite de poèmes en prose exerçant – hors des offrandes rituelles – un langage hautement littéraire, une approche de la connaissance, non du XXIe siècle, mais d’une intemporalité annonçant d’autres formes à découvrir, en bas de chaque page. Il n’est nullement question de rumeurs ou de chants premiers : l’élément poétique, souventes fois mis en exergue, ne meurt jamais.
De la nudité des feuilles, extraire la sève… Ainsi l’auteur – en repérage dans le visible comme dans l’invisible – incite le lecteur à se dépouiller de ses fibres ultimes, d’un semblant de résonance avec sa condition d’être ! Il lui appartient, sur l’heure, de se tenir à distance; de ne plus croire au secret, détournant son regard de l’absolu… Au mieux, ce même lecteur, communiquera non seulement avec le réveil du monde – mais avec les vertiges d’avant la naissance, avec le crépuscule ou la braise de lointains horizons.
Nous retiendrons, dans ces Jardins de l’invisible, un vocabulaire exaltant la poésie , même avec ces textes en prose. IL n’existe nul camouflage, nulle faute de style, aucun surgeon épanouissant l’imaginaire dans un jardin ignoré des poètes. C. Klein, auteur de Néante aux mains d’oiseaux (1984) ne déclarait-elle pas, à l’époque : le feu le feu l’eau / se nouent avec la terre / inventent la forme des choses. Nous voici donc
en lutte avec les quatre éléments, selon des rites de vie ou de mort, un étrange sablier au-dessus de nos têtes. Qu’allons nous devenir ? Il convient alors de se rappeler, toujours en compagnie de l’auteur, que chaque plante (pourquoi pas chaque homme ? ) est issue d’une étoile .
Puis, avant de refermer le livre, n’oublions pas de nous attarder sur l’illustration de Colette Klein – peintre autant que poète.
Extrait
De petits pavés entre les herbes marquent le chemin qui conduit à la douceur, à la félicité de l’être soudainement saisi par l’évidence du monde.
De petits pavés de neige et de pierre, qui prennent, sous les pas, l’empreinte du réel.