À propos du livre

 

Article de Pierre Esperbé

 

Parallèlement à sa peinture, Colette Klein poursuit dans les labyrinthes des regards à l’intérieur de l’être, un périple tourmenté de clair-obscur aux méandres illimités de son univers intérieur. Voici son dernier livre, mais il convient ici d’insister sur le fait que peinture et poésie sont indissociables en termes de spiritualité pure.

Le Passe nuit exalte les myriades effervescences des mondes invisibles où échos, miroirs, illuminations peuplent la transparence d’une emprise visionnaire qui est en fait celle de l’auteur et qui devient sa nuit dans un nocturne symbolique. Combien de vitres dans cette sorte de poursuite du temps, impressions sensibles où le sable combat avec le sable jusqu’à l’usure de la Pierre (celle-là même du temps !) Colette Klein est hantée par cette magie qui se concentre dans une souffrance viscérale au plein désert d’exister. C’est dans l’intensité primitive du cri en marge de son apparent usage qu’à chaque page, elle éclate de vie. Cri de la prison d’être, le moi en vérité qui se tient constamment auprès des hommes, celui qui permet de renaître de la nuit / à l’aube où s’élabore la délivrance. C’est enfin au sortir du moi, le sentir, l’émoi, l’image de l’indéfinissable, de l’impalpable, de l’intraduisible, la vie de fenêtres dédoublées.

 

Extraits

 

Le cri peut paraître double à ceux qui ne savent pas que les sirènes ont droit de refuge hors de l’écume – navires couchés en travers de l’angoisse –

 

À l’aube où s’élabore la délivrance.

 

Le cri peut paraître double mais alors la respiration devient marée et l’océan se superpose au souffle primordial – celui d’avant la création.

 

Dans le miroir des êtres les univers se font face

se multiplient

          Ils bruissent.

 

 

*

 

La Fugitive a des bas de lumière

que la main ne peut dénouer

 

ne viendra jamais amante

 

Pas de regard

Seulement l’instant retenu

et qui ploie le sourire

 

Visage-absence

que l’espace caresse

dans la solitude ou naissent les regrets.

 

*

 

Le passe-nuit

emprisonne l’enfant

 

Sortilèges et miroirs

où fermente la raison

jusqu’au frémissement de la matière

 

L’âme se nourrit d’oiseaux blessés

et de jeux qu’il faut sans cesse réapprendre

 

Mais

entre les pierres

la limpidité subsiste

 

*

 

Au seuil des corridors

gémissent les chiens

à l’envers des choses

qui accordent aux âmes

un sursis de magie

 

Le pigment de la matière

se décolore dans les aubes murées.

 

Fatigue et mémoire

ont même façon de veiller

quand naissent les mirages

dans les catafalques

bâtis en plein désert d’exister.

 

Mais au-delà de soi

cherchez le visage

et paraître

vivant.

 

*

 

 À l’intérieur de la vie

tout à l’intérieur

portes claquées au-delà du vide

la graine trop blanche

qu’il est si facile de ne pas semer

et l’attente

qui bleuit le silence

dans l’humilité