Ce livre est dédié à Marthe et à Mayie, toutes deux décédées en 2004.
Plusieurs encres d’Augusta de Schucani accompagnent les poèmes.
En exergue, une citation de Mireille Fargier-Caruso, extraite de Silence à vif:
On ferme vite les yeux des morts
Qu’ils ne voient pas combien
Ils seront seuls là-bas encore
À propos du livre
Article d’Éliane BIedermann
Ce beau livre d’art de petit format fait alterner le texte poétique de Colette Klein et les encres de l’illustratrice. Le thème récurrent du recueil est celui de la mort, des morts, de la place qu’ils occupent auprès des vivants qu’ils viennent hanter tels des fantômes recroquevillés aux pieds, des murs atterrés, obsédés par le silence de l’éternité. Ils posent à l’intérieur du corps des vivants une pierre du dedans, stèle funéraire inamovible qui nous accompagne dans notre quotidien. Colette Klein par son art sait faire circuler les morts parmi nous, avec le lot de culpabilité et de regrets qu’ils engendrent quand on n’a pas su (leur) dire adieu, quand on s’est livré à des querelles meurtrières ou qu’on n’a pas su accorder à temps le pardon.
Cette douleur sous-jacente se projette dans les paysages extérieurs : Les morts ont emporté les mots qui se rassemblent sous la pluie, / La pluie se confond avec les larmes.
Le tourment de l’auteur nous touche au plus profond : qui d’entre nous n’a pas connu le deuil d’êtres chers et ressenti ce qu’elle exprime ici en phrases fortes, en images percutantes ? Le livre écrit, illustré, imprimé est une forme de délivrance de ce vertige, car la beauté irradie de cette pierre du dedans. C’est le miracle toujours renouvelé de l’art et de la poésie qui nous permet de vivre avec nos souvenirs et de supporter l’insoutenable.
À la dispersion du corps, demeurer en état de grâce, à la recherche encore de la beauté, de l’immanence, de la mémoire, où les autres viennent accoster, / ni morts ni vivants, / mais dénoués.
Extraits
Se peut-il que le poids d’une pierre prenne la place des morts dans le corps exigu des survivants ? Une pierre greffée, qui contamine, irradie le silence, jusqu’à… l’aphasie.
*
La peur les agenouille aux pieds du rideau. La peur qui se confond avec la soif. Dans le désastre d’une pièce qui s’achève. Sous la stridence des heures en révolte. Contre les poupées qui bougent dans les crânes. Qui se confond avec le désir.
Jusqu’au lever de la mémoire.
*
Ceux qui meurent pour la première fois s’indignent d’entendre encore la parole des arbres désormais impossibles à étreindre.
Leur nuit, par distorsion du temps, se fourvoie dans une faille ignorée des vivants.
Nuit de lait qui dénonce leur abandon à la solitude, et leur soumission.