A propos du livre
Article de Michel Passelergue
paru dans la revue Lieux d’être N° 51
Je me cogne à la lumière derrière laquelle tu cesses d’exister. La déflagration de la mort, lorsqu’un être cher nous est arraché, nous plonge dans cet état de stupeur où jour et nuit, lumière et ombre paraissent échanger leurs signes : La nuit, au lieu de t’éblouir, s’est figée en toi. Les étoiles sont tombées. Ne reste que le noir, le silence du noir. Colette Klein s’adresse au disparu. La voix, comme brûlée de l’intérieur, entre dans les mots, porteuse du feu profond de la vie – cette vie qui maintenant va à reculons. On pourrait craindre à tout moment de voir se resserrer autour de la parole le nœud du silence.
Mais non, le poème nous parle, le cri est au-dedans. Le poème se simplifie, parce que la vie a été frôlée par l’ombre, vidée de sa substance, aspirée par une absence soudaine. Depuis que tu as avalé la mort, d’un coup. Du jour au lendemain, on est devenu autre. Les actes les plus habituels étonnent l’appréhension de chaque instant. Survivant, on se retrouve hors du temps. Et la parole se crispe sur elle-même pour viser au cœur de l’être, témoigner en peu de mots d’une blessure inguérissable. Je caresse entre mes doigts le peu de sable qui reste de ta vie brutalement ossifiée.
Colette Klein, dont la poésie est depuis longtemps comme magnétisée par les confins de la vie, par ce qui est derrière la lumière, de l’autre côté du miroir, donne ici à entendre le message sans espoir de qui demeure sur la rive a interroger le cours des nuits et des jours, à ne pas savoir dissoudre la mort. Car si Pierre Esperbé pouvait croire que dans l’obscurité. La plus dense / survit un espoir de soleil et si l’aube dissout les monstres, comme l’affirmait Éluard, vient le moment où l’unique recours passe par des mots indéfiniment relancés dans la nuit de l’absence, une parole devenue mémoire, parole en boucle, refrain obstiné : Je ne cesserai plus de te parler.
Note de lecture de Jean-Paul GIRAUX :
Derrière la lumière de Colette Klein Editions AB
Ce recueil, dédié à l’amant disparu, est une longue plainte, un long gémissement que plantent, dans le silence, des mots drapés de noir. Une âme s’est enfuie, désormais insaisissable, mais dont la présence est partout : « Le vent qui cogne à ma fenêtre, est-ce toi ? » interroge douloureusement le poète. Traces et indices sont autant de blessures. Les strophes qui les portent sont les fils douloureux qui relient une vie à une autre vie, une mort à une autre mort attendue, un moment espérée peut-être. Elles sont surtout une façon de parler à l’absent, d’en éprouver physiquement la chère présence, de la prolonger. Elles sont l’affirmation haute que la vie se perpétue dans la mémoire aimante des vivants, l’offrande qui ouvre le passage. Là se trouve certainement l’apaisement en dépit du cri désenchanté : « Le désastre de ton exil me servira de refuge » prévoit Colette Klein dans cet ouvrage d’authentique poésie.
JP G
Poésie/première n° 48 octobre 2010)
Extrait :
Un poème :
Les nuages dans le vent m’emportent près de toi. Effilochés comme notre amour, tantôt noirs ou gris, tantôt blancs, si blancs et si diaphanes que la lumière les traverse et les brode avec des fils d’or.
Es-tu celui-ci ? Ou celui-là ?
Ou bien ce reflet qui s’échappe de la couture du ciel ?
puis un autre – dit par l’auteur :