CONCERTO… n° 2 – 2009
Sommaire : Daniel ABEL, Claude ALBARÈDE, Laurent ALBARRACIN, Max ALHAU, Claude BER, Jean-Louis BERNARD, Raymond BEYELER, Serge BRINDEAU, Francine CARON, Gérard CLERY, Christophe DAUPHIN, Christine DELCOURT, Aurélien DEUDON, Bruno DOUCEY, Jean DUBACQ, Pierre ESPERBĖ, Mireille FARGIER-CARUSO, Jean JOUBERT, Monique LABIDOIRE Monique, Hélène LAFFLY, André LAGRANGE, Nadine LEFÉBURE, Béatrice LIBERT, André MALARTRE, Daniel MARTINEZ, Chris MESTAS, José MILLAS-MARTIN, Yves NAMUR, Robert NÉDELEC, Gérard PARIS, Michel PASSELERGUE, Lionel RAY, Philippe ROSSET, Jeanine SALESSE, Jacques SIMONOMIS, Katty VERNY-DUGELAY, Odile VIÉ-DAVID.
Mireille FARGIER-CARUSO
De loin la chaise longue dépliée il est là allongé les yeux clos
Aucun bruit tu t’arrêtes au bout de l’allée en cet instant tu sais
Dernière fois dernière après-midi dans le jardin
Chaque année en vacances un peu de vent en haut des branches
Les hirondelles revenues il est là et tout le grand poids du temps
Qu’on voudrait endiguer avec la mer des larmes au fond de soi
Il croise les bras au-dessus de sa tête d’un mouvement familier
Combien de fois encore saisiras-tu son geste ?
Tu lis sur son visage une fatigue une absence déjà loin de nous
Loin de tout tu bascules de l’autre côté avec un creux dedans
Après-midi défait qu’on nous laisse au moins un délai
Revoir avec lui la neige le printemps
Tu étais dans le rayonnement du mois d’août et tout à coup
Plus d’échappée ça chavire dans le calme du jour t’envahit
Toute la futilité de cet après-midi passé en ville à choisir une robe
D’été loin de lui tassée tu retiens ton souffle voudrais retenir
Le temps tu devines les feuilles mortes au bord du silence
Fermé l’été et le ciel de l’enfance à jamais en arrêt engoncée
Dans la fin si proche tu descends pauvres humains qui après
Nous vivrez il ne te reste
Que la fragilité des paroles à partager ensemble en signature
Tu t’avances vers son accueil son sourire – disparaitra aussi ? –
Le recueillir très fort sous tes paupières le garder vivant
En mémoire comme on dit mais c’est pas du vivant après
ça ne peut plus changer et toi tu ne peux rien même pas
En cette fin d’été ne pas être dans l’attente de vivre
Michel PASSELERGUE
Des ombres errantes
Nous sommes, insinuants veilleurs au bord d’un jour qui s’évanouit, de même neige. Des nuages sans ombre se consument encore au firmament glacé de nos yeux. Vêtus de silence, nous hantons tous interstices, de froid comme de nuit. Vertiges sillonnés d’éclairs, commotions, fissures parmi les mots, quelques murmures à fleur de sommeil : autant de signes pour que tu frôles notre atonie, que tu instilles en toi notre présence. Mémoire égrugée, nous allons de flocons en fumées boire un peu de ce sang translucide qui tiédissait dans nos artères, entre deux déchirures, deux douleurs éblouies. Ne recueille rien de ce qui mousse, de ce qui s’accumule dans nos images perdues. Attends que s’immobilise avec le feu sa parole la plus obscure. Sois nuit dans les pierres, voix sourde sous l’herbe, jusqu’à toucher enfin à ta propre transparence.