N° 8 – 2015
Sommaire : Rabah BELAMRI, Éliane BIEDERMANN, Patrice BLANC, Claudine BOHI, Violaine BONEU, Claudine BRAL, Francine CARON, Francis CHENOT, Marie-Josée CHRISTIEN, Gérard CLÉRY, Caroline CRANSKENS, Chantal DANJOU, Éliane DEMAZET, Pierre ESPERBÉ, Mireille FARGIER-CARUSO, Fabrice FARRE, Laurent FAUGERAS, Bernard GRASSET, Petja HEINRICH (traduction de Anélia VÉLÉVA), JAPH’EIIOS, Jacques LE SCANFF, Martine LE SAULE, Emmanuel LOYAU, Claude LUEZIOR, Brigitte MAILLARD, Béatrice MARCHAL, Philippe MERLET, Jean MINIAC, Ivan de MONBRISON, Evelyne MORIN, Colette NYS-MAZURE, Bojenna ORSZULAK, Gérard PARIS, Jean-Pierre PARRA, Michel PASSELERGUE, Jacqueline PERSINI-PANORIAS, Gérard ROCHE, Georges ROSE, Calou SEMIN, Jacques SICARD.
Notes ou articles sur : Jacques CANUT, Jean CHATARD, Maurice COUQUIAUD, Alain DUAULT, Paul FARELLIER, Danièle FAUGERAS, Nadine LEFÉBURE, Benjamin PÉRET, Isabelle PONCET-RIMAUD, Dana SHISHMANIAN,Jean-Pierre THUILLAT, Monique W. LABIDOIRE.
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Encre de Jacques LE SCANFF
Évelyne MORIN
REFLETS DANS LE NOIR
Pluie froide sur la page
Elle, son nom de mer.
Loin des jours immobiles la fuite
a cessé
son reflet disparu dans le reflet
de la vitre
Toutes neiges oubliées
Et la désolation du blanc
Tu quittes sans
douleur l’ordre
du monde
et t’avale l’eau
trouble de ta présence
à la vague
sensation
de naître
en ailleurs
proche maintenant si proche
La lune ouvre le chemin noir
♫
Épiphanie lunaire
L’araignée veille sur la séparation des mondes
Échappée du corps endormi
N’avance plus avant
Dans le silence de l’ombre
Tu ne retrouveras pas la part
perdue
Reste sa trace
Double sans objet
Je suis de velours noir
Te protège de voir
la face invisible de la lune
Te protège de voir la nuit le jour
De voir le jour la nuit
Renonce à l’objet perdu
Garde la part épiphane de ton silence
Elle veille sur le passé intact
♫
Un homme en noir face à la mer
Énigme
Guette la fin de l’histoire
♫
Le temps s’arrête en ce lieu
répétant le lieu
de la parole
Quelque chose se dissimule
ailleurs
On peut retarder
encore un peu
l’extinction de l’évidence
Cacher le dévoilement de la voix
dans un plus profond
secret
La page répète la page
et le blanc enfouit la parole
sous un amoncellement
vide
Peut-être qu’une raison viendra
d’interroger le blanc
la lumière du blanc
La parole détachée de son mystère
sera là
dans le silence d’un soir d’été
Tu regardes tu ouvres et tu refermes
dit Zeus à Pandora
Tu regardes
Tu ouvres
Tu refermes
Mais tu vois
toujours
La boîte refermée
laisse échapper
les mauvais rêves
Et tu ne peux refermer
l’histoire
sans la rouvrir
toujours
et voir
voir
jusqu’à oublier
de refermer
pour ne plus voir
C’est là
toujours
sous le lit
de la chambre
noire
Jusqu’à ce que
cela cesse
de naître
Jusqu’à ce que les pas
cessent dans l’escalier
dans le couloir
Et que la porte claque
Et c’est fini
Le silence ne sera plus jamais
en paix
Le silence tourne
et tourne dans le noir
cherchant l’espérance
au fond du mal
♫
Où l’autre cessera-t-il de me faire autre
Dans l’ombre de son double
Gorgone fascinante de la mort de soi
Alors je vois dans le noir
la Méduse des nuits
Et j’ouvre les yeux pour
échapper à sa peur
Et j’ouvre les yeux
pour savoir
qui je suis dans le regard
de son regard
Je vois ce que j’ai toujours su
Je vois l’oubli du jour
Je vois le silence
de la chambre froide
le silence de la chambre éveillée
Rester debout
pour ne pas céder
à la Méduse
des peurs
Elle te suit à la trace
La trace de tes nuits
sans sommeil
Elle te regarde
voir ce que je n’ai jamais
vu toujours
vu dans le noir
toujours encore
dans la nuit
de la Méduse
sidérant les rêves
libres comme l’air
sans mémoire
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Gérard CLÉRY
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Chanson
à Guy Allix
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Et tu es ce voyeur que la vie dévisage
les bras chargés d’amis que varlope la mort
(et tu sais aujourd’hui qu’elle t’envisage ici
t’excluant pour longtemps de l’ardeur des voyages)
tu n’es plus l’abonné des longues traversées
sous chaque lune gagnée qui te devine
un chien t’oblige encore à gravir les collines
Un chien t’oblige encore à gravir les collines
quand souvent le corps met le corps en sourdine
tu ne peux éviter que le cœur dérime
le temps te ramène valises délaissées
les heures dévastées les fanfares perdues
un fils venu du nord tu n’en es pas revenu
des passants traversés en renversant les rues
Des passants traversés en renversant les rues
une fausse amitié prise en pleine lumière
quel poète n’est pas l’éveillé solitaire
bravant les jours de bave et de déconvenue
posant sur la balance silence retenue
quel vivant n’est jamais de la vie descendu
refusant de rester trop lourdement à terre
Refusant de rester trop lourdement à terre
quand misère la misère crible le vocabulaire
quand la mer s’agenouille prière
quand dans les rues les yeux ignorent
ceux qui jour et nuit nuit et jour sont au bord
du bord blessés couchés sur les trottoirs
eux pour qui l’humain est inhumain laminoir
Eux pour qui l’humain est inhumain laminoir
eux qui sont l’humain échaudé pris dans le noir
l’humain érodé suffoqué n’osant plus croire
que l’attend une porte demeurée ouverte
un arbre à qui parler une écharpe d’herbe verte
une plage non souillée une eau franche à boire
de hauts murs qui s’effondrent des soleils sous la nuit
De hauts murs qui s’effondrent des soleils sous la nuit
une étoile disant l’aube des matins relevés
révélés effaçant les faux plis de l’Histoire
regarde-les courir ceux qui courent pour parler
leur langage ils assignent au feu les branches mortes
ils ont peu de soucis de ce que le vent emporte
ils ne se courbent plus ils rêvent pire ils aiment
Ils rêvent pire ils aiment ils ne se courbent plus
avant-hier tu les as reconnus
paupières scellées tu t’en es souvenu
tu crois tu dis on voit plus loin les yeux fermés
tu restes ce voyeur que la vie dévisage
et tu sais aujourd’hui qu’elle ici t’envisage
qu’elle te protège encore des faux-semblants des mages.