n° 17 – 2024

 

Sommaire : Claude ALBARÈDE, Béatrice ALBERTAT, Max ALHAU, Anne BARBUSSE, Anne BAROUSSE, David BARRANCO, Eva Maria BERG, Jean-Louis BERNARD, Patrice BLANC, Anne-Lise BLANCHARD, Jacques BONNEFON, Jean-Pierre BOULIC, Claudine BRAL, Léon BRALDA, Xavier BUFFET, Valérie CANAT de CHIZY, Geneviève CATTA, Édith CHAFER, Gérard CLÉRY, Jean-Claude-Albert COIFFARD, Marie-Lise CORNEILLE, Danièle CORRE, Françoise COULMIN, Michel DIAZ, Kenzy DIB, Michel DUNAND, Pierre ESPERBÉ, Laurent FAUGERAS, Bernard FOURNIER, Nicole HARDOUIN, Elia JALONDE, Hughes LABRUSSE, Michel LAMART, Philippe LEUCKX, Teo LIBARDO, Rémi MADAR, Alain MARC, Hervé MARTIN, Béatrice PAILLER, Michel PASSELERGUE, Catherine PONT-HUMBERT, Georges ROSE, Marie-Claude SAN JUAN, Sylvie Léa SCOTT, Eugenia SEGURA,  Ara Alexandre SHISHMANIAN, Martin ZEUGMA.

 

Œuvres plastiques : Lionel BALARD, Daniel DUHAMEL-ARRAPEL, Joëlle EYRAUD.

 

Ont fait l’objet de note(s) ou article : Jean-Louis BERNARD, Claudine BOHI, Jean-Pierre BOULIC, Léon BRALDA, Patricia COTTRON-DAUBIGNÉ, Maurice COUQUIAUD, Pierre DHAINAUT, Michel DIAZ, Alain DUAULT, Marion LAFAGE, Jean LAVOUÉ, Ève LERNER, Isabelle LÉVESQUE, Frédéric TISON, Katty VERNY-DUGELAY, Colette WITTORSKI.

 

Bon de commande 2024

 

Extraits :

Hughes LABRUSSE

LOUANGES 1

 

L’eau s’écoule et trouble la voix

au soir la pluie est vibrante de désir

au crépuscule les chemins sans but

laissent advenir

 

quand l’homme ne s’appelait pas

un homme

quand mortels nous scellions

notre existence

 

l’homme de sable murmure dans la nuit

demain une intelligence ravagée

errera sous un soleil de plomb

 

l’inconnue se souvient

elle a versé le vin et le miel sur la tombe

là sont gravées les paroles de l’horizon

 

flamants roses et taureaux noirs

entre les lagunes

nous composerons toujours un lieu

qui nous précède

 

 Daniel DUHAMEL-ARRAPEL

Rêver – Dessin

 

Mon éditorial :

 

La revue, cette année, est encore plus étoffée que les autres années, parce que j’ai tenu à marquer d’une pierre de mots le centenaire de la naissance de Pierre Esperbé.

 

C’est la raison pour laquelle les citations extraites du livre qui a donné son nom à la revue sont plus substantielles que précédemment.

 

C’est la raison pour laquelle j’ai opté pour une couverture revisitée aux couleurs de ma palette.

 

Cela ne m’empêche pas de rendre également hommage à mes amis poètes morts depuis un an, soit dans l’ordre chronologique : Maurice Couquiaud, Frédéric Tison, Katty Verny-Dugelay.

 

Je passe ma vie à lutter contre l’idée qu’en écrivant on jette des pierres dans des puits sans fond. Et, pourtant, il m’est impensable de ne pas relever le défi de chercher à remonter au jour ces pierres qui risqueraient de rester hors de portée.

 

Concerto… n’en est pas pour autant une stèle gravée à leur nom et demeure aussi le refuge des voix bien vivantes, offertes à l’écoute.

CK

 

Extraits du texte de Jean-Louis BERNARD rendant hommage à Frédéric TISON

 

Frédéric Tison n’a pas d’âge. Ou alors c’est celui de nos nuits blanches, avec permission de minuit jusqu’à la fin des temps.

 

Tantôt charmé, tantôt angoissé, émerveillé en inquiétude en quelque sorte, il invite les images à danser avec lui en équilibre précaire, tanguant dangereusement vers un possible naufrage, retrouvant à chaque fois in extremis la nuance qui sauve de l’abîme.

 

Poète des marches et des marges, il écrit sur les frontières, les siennes et les nôtres, les siennes dans les nôtres.

(…)

La poésie de Frédéric Tison est affaire d’imprévisible, et quand le lecteur s’égare, cette errance alchimique se transforme en une expérience quasi mystique, à la fois blessure de la lucidité et plénitude de la présence au sensible.

(…)

Poésie du flottement, du mystère, de l’attente, du manque, du désir : ainsi s’écrivent hors lieu et hors temps, des échos de signaux oubliés et, de loin en loin, d’étranges effets de solitude. Pour une parole roulant entre vie et mort, à découvert, au risque permanent de la chute.

Il paraît qu’à force de jouer avec les vertiges, comme les oiseaux avec les courants ascendants, Frédéric Tison a fini par rejoindre l’éther, ce bleu inaccessible dont l’absence fait présence.

 

Est-il mort ? Peut-être. Ou continue-t-il à vivre toutes les vies qui auraient pu être la sienne ? Réapparaîtra-t-il un peu partout, un peu plus loin, toujours lui-même sans l’être ?

 

On dit en tout cas que depuis peu, à l’heure où les rêves se transmuent en mélancolie, flotte dans l’air, çà et là, un sourire énigmatique, celui qu’attendait depuis si longtemps le chat du Cheshire.

 

 Anne BAROUSSE

POÈME VIOLET

 

Je me promène dans l’air qui sent la prune

sur le fond du jour

remontent les personnes oubliées,

le vide se remplit de pensées.

Entre les glycines extatiques et les vieux hortensias

naissent les mauves mélancoliques.

Elles m’offrent des sentiments,

 un ruban crème dans les cheveux du chèvrefeuille

et des lagunes où paissent d’étranges poissons couleur de lune.

Le violet s’efface,

ses brumes froides peignent les bordure de la vie

dans la pénombre qui déteint, je choisi l’incertitude.

 

Lionel BALARD

La Source – Bois gravé

 

Elia JALONDE

Extrait de :

LE CORPS INTÉRIEUR

 

J’ai une longue racine au fond du ventre.

Elle est vernaculaire, fibreuse ;

Mandragore.

J’entends des voix qui se disputent,

Or personne n’écoute.

Racine de flèche née dans ma bouche,

Passe au sein de mes mains.

Tu nous lieras ensemble

Et je me raccrocherai au monde par les pieds.

 

*

 

Tu as fait ton lit dans ma gorge

Je me gargarise de tes roucoulements ténus.

Ce ne sont pas encore des mots

Mais des élans inarticulés

Que je chante depuis

Que ton corps s’est levé de moi.

Tes ailes ont couvert mon visage en s’ouvrant

Et moi je vibre en dedans

Des incantations sauvages nées

De nos terres amendées

 

Joëlle EYRAUD

Encre et pigments sur papier marouflé

 

Œuvre accompagnée par le poème de Geneviève CATTA

 

on dirait une vitre foudroyée

mais c’est la serrure

des herbes incendiées

le long de l’indocile ruisseau

 

je pense vers toi

longeant la veine du cri de l’horizon

nos voix entrecroisées 

loin de l’usure des arbres éparses

 

et d’une rive à l’autre

marchant le jardin de nos mains

où l’angoisse n’a pas de prise

sur nos alvéoles gorgées d’âge 

 

se regarder nos pieds nus

— l’eau est unie